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Discussion avec Bruno Cambounet de Sopra Banking Software : dans l’open banking et l’open finance, ne passons pas à côté de l’orientation client

Par Bruno Cambounet

Nous parlons d’open banking depuis 15 ans et maintenant d’Open Finance, sur-ensemble de l’Open banking qui élargit l’écosysteme. Nombre de publications ont expliqué que les offres d’open banking servent les clients finaux. Et pourtant, une récente enquête récente a montré que seulement 24% des personnes interrogées aux États-Unis savent de quoi il retourne!

En fait ce n’est pas surprenant, par définition l’open banking est centré sur les acteurs financiers – que son adoption soit dictée par le marché et l’innovation (comme c’est le cas avec beaucoup de fintechs) ou par la réglementation (comme avec la DSP2 en Europe) . Et si l’Open Finance a pour ambition de positionner le client au cœur de cet écosystème, il convient de revenir sur la valeur apportée au client final.

Comment positionner le client au centre ?

En lisant tous les articles qui poussent l’importance de l’Expérience Client (CX), on pourrait croire qu’il suffirait de plaquer un parcours client digital à seule fin de vendre plus facilement un produit financier, l’open banking en étant le facilitateur.

Or cela reviendrait à faire semblant de s’intéresser aux clients, et ils ne sont pas dupes : malgré tous les efforts consentis pour rendre plus accessibles les services traditionnels sur les mobiles en particulier, la confiance portée par les consommateurs à l’égard de la capacité des banques traditionnelles à servir leurs intérêts a chuté de plus de 40% (passant de 43% à 29% durant la période COVID).

Une autre étude explique que 70% des consommateurs prêts à changer de banque le feront par rapport à la valeur et la personnalisation des services proposés. Ainsi, si une mauvaise expérience client va dévaloriser, voire annihiler, une offre de service, l’expérience client à elle seule ne crée pas de valeur.

L’eXpérience Client (CX), le maillon d’une chaîne de valeur au service du client

L’enjeu, c’est d’abord de bien de comprendre et de définir la proposition de valeur qui sera perçue et comprise par le client.  Personnaliser la valeur client suppose de savoir mettre en place des chaînes de valeur combinant des savoir-faire variés en fonction des situations des consommateurs.

C’est précisément dans l’identification de situations peu ou mal adressées par les acteurs traditionnels que les Fintechs apportent de la valeur. Idéalement, les chaînes de valeur résultent de la combinaison de différents services en fonction de situations ou de données personnelles des consommateurs.

Prenons un exemple : le Buy Now, Pay Later (BNPL – « Achetez maintenant, payez plus tard »). En 2021, on ne compte plus le nombre d’acteurs qui lancent ce type d’offre ou qui s’associent à un autre acteur pour l’ajouter à leurs catalogues.

La valeur au consommateur est simple : une personne se rend en magasin pour acheter une nouvelle télévision. Elle est séduite par le dernier modèle, grand écran 4K super fin. Cependant elle ne souhaite pas la payer en une seule fois : en caisse, quelle chance, le magasin lui propose directement une modalité de paiement différé, et quelques minutes après elle repart du magasin. On lui livrera son superbe écran le lendemain.

Pour le magasin et l’ensemble des acteurs qui supportent ce service, le BNPL est loin d’être simple. Pour effectivement délivrer cette promesse en quelques dizaines de secondes, il s’agit d’évaluer précisément la capacité financière de la personne, l’engager sur une succession de paiements fractionnés, obtenir son acceptation en confiance tout en minimisant les risques de non-recouvrement de la dette – sans parler de lutte contre la fraude.

Bien entendu, moyennant le consentement du consommateur, l’accès immédiat aux transactions bancaires est l’apport clé de l’Open Finance dans la chaîne de valeur. Mais encore faut-il catégoriser finement les transactions, analyser la capacité financière du consommateur (credit scoring en temps réel) et nourrir le reporting règlementaire associé. Soulignons aussi que l’acteur financier ne doit pas non plus pousser les consommateurs à se surendetter 

Le BNPL dépend de toute une chaîne composée de différents services très spécialisés.

De la viabilité de la chaine de valeur

Au sommet de l’iceberg, la relation client reste le résultat d’une chaîne de valeur dont la puissance dépend de son maillon élémentaire le plus faible, et il est essentiel que tous les maillons soient viables.

D’un côté, chaque acteur doit maîtriser son ratio revenu/coût, mais globalement les gains entre les acteurs doivent être équilibrés, c’est à dire que tous les acteurs doivent rester gagnants. Et sous-estimer la valeur de certains acteurs — ou en élever certains par-dessus les autres — peut tuer l’innovation.

Un acteur financier pourrait imaginer être en mesure de fournir l’ensemble de la chaîne de valeur pour chaque situation de client, mais l’arrivée d’acteurs innovants comme beaucoup de fintechs a déjà démontré que ce n’était pas le cas. Et même les GAFA, qui disposent éventuellement de moyens colossaux, ne peuvent pas encore tout faire tous seuls.

Et il est clair que plus on va savoir personnaliser l’expérience client, plus il va y avoir de cas d’application, plus on va pouvoir traiter des moments de vie particuliers sur des sous-segments. Il faut savoir tirer parti de l’ensemble des acteurs de l’écosystème, tant les plus petits, souvent plus agiles et plus innovants, que les gros, qui eux apportent solidité et pérennité.

Le marché va être « fractal » : il se sous-segmentera en permanence.

On doit être ouvert à des modèles où :

  • on garde la relation client là où on l’a et où on se sent capable de l’enrichir avec de nouveaux services (ou de nouvelles personnalisations),
  • on est prêt à apporter le meilleur de son savoir-faire à des partenaires qui, eux, ont su créer une relation avec les clients directement ou indirectement et qui sauront bien mieux valoriser les services que l’on apporte.

Ce sont des myriades de possibilités qui s’ouvrent dans des marchés en évolution constante : on pourrait parler de modèles d’affaires protéiformes qui tirent parti de la puissance et du meilleur de chacun des acteurs de l’écosystème.

L’open finance permet aux organismes financiers de traiter les données financières des consommateurs comme étant leur propriété individuelle, qu’aucun acteur dans l’écosystème ne peut s’approprier.

Alors comment faire ?

L’exemple du BNPL montre l’ampleur des différentes spécialités qu’il faut être capable de combiner pour créer une réelle valeur pour le client final. Ces spécialités sont de différentes natures :

Métier

Le paiement, les crédits sont des services financiers essentiels à savoir intégrer dans une chaîne de valeur, il en va de même pour d’autres services financiers comme la gestion de compte, les placements etc…

Cela recouvre le portfolio d’offre d’un acteur financier et c’est précisément pour ouvrir ces services et les données bancaires associées que les standards d’Open Finance sont créés (en Europe, le standard le plus répandu est celui de The Berlin-Group openFinance)

Plateforme

L’économie digitale impose aux acteurs de pouvoir s’intégrer dans les écosystèmes avec des positions de producteur, d’agrégateur ou de distributeur de services afin de valoriser leurs offres. Or le succès d’un certain nombre de fintechs a démontré la faiblesse des positions d’acteurs traditionnels pour intégrer l’ensemble de ces rôles. Et 76 % des banques s’attendent à ce que la croissance provienne de l’amélioration de l’intégration business et IT avec leurs partenaires.

Ainsi, identifier les technologies et services de niveau plateforme permet de les mutualiser pour supporter la création et l’intégration flexible et agile des services au-dessus. On peut citer en particulier des services de MarketPlace (Portail développeur, Partner on-Boarding, Monétisation), Digital « tooling » (design de parcours client, IA et Analytics, API Management) et d’infrastructure (Cloud native stack, securité et DataLake).

CX

Au-delà des services ci-dessus, créer une expérience client fluide nécessite de s’intéresser à un ensemble de services d’engagement client sur tout son cycle de vie, depuis les phases initiales d’acquisition aux phases finales. Cela regroupe des services d’engagement « classiques » de CRM que l’on retrouve dans l’ensemble des secteurs économiques, et des services spécifiques au secteur financier au regard de la responsabilité – notamment réglementaire – que les acteurs financiers portent comme par exemple le KYC, l’éligibilité aux services, la lutte contre la fraude, etc.

Il y aurait beaucoup à dire sur les différentes capacités présentées ci-dessus, en particulier sur l’impérieuse nécessité d’intégrer des acteurs (dont des fintechs) pour consommer leurs services innovants ou pour produire les services qu’ils intègreront dans leurs propres services.

Dans l’exemple du BNPL, la banque est quasiment invisible dans la transaction, et pourtant essentielle. La complexité majeure pour un acteur traditionnel réside certainement dans les changements de culture et de modèle opérationnel permettant de s’insérer ou de maîtriser ces nouvelles chaines de valeur.

Comment continuer d’évoluer dans le monde de l’open finance

Attention : « Open » ne veut pas dire que tout est gratuit. Ces échanges et APIs peuvent être monétisés, comme le font déjà ceux qui ont compris le pouvoir des écosystèmes ouverts.

« Open » signifie qu’on est capable de s’ouvrir, de discuter, et cela implique qu’on a la capacité d’exposer ses données de manière sécurisée pour rendre les fonctionnalités de son entreprise consommables – ce qui permet de participer rapidement aux écosystèmes et aux opportunités qui se présentent. Il ne faut pas avoir peur de s’ouvrir parce que la vraie vie, c’est les échanges : l’économie digitale ouvre la voie vers des relations multilatérales envers ses clients

C’est un début d’histoire qui peut être effrayant pour des acteurs financiers qui avaient l’habitude de gérer leur client dans une relation bi-latérale fermée, mais si on a le courage de s’ouvrir, d’exposer nos données et d’avoir cette flexibilité, chaque acteur peut occuper une place et amener son savoir-faire pour enrichir le réseau et découvrir de nouveaux business models.

Or l’étude récente que Sopra Banking Software a menée avec Forrester (Master Ecosystems To Be Future-Ready In Banking) révèle que seulement 12% des banques se considèrent prêtes avec une vision claire de leurs capacités à collaborer avec ses partenaires de l’écosystème.

Et pourtant, c’est ainsi que les leaders placent le client au cœur de ce nouvel écosystème ouvert.

Découvrez comment élaborer de nouvelles expériences digitales pour les clients du secteur bancaire et financier.